• Vroum vroum

    Où ça va vite !

    Vroum vroum



    Cette photographie date de 1898, au  coeur des premières années de l'aventure automobile. "Une des premières automobiles Mors"  est le cliché d'un anonyme, peut-être pris à l'occasion d'une des nombreuses courses et compétitions organisées à l'aube du XX° siècle (Tour de France, Paris-Berlin, Paris-Madrid, le Circuit du Nord....).

    Ce qu'il est important de voir ici, c'est que seule l'automobile et ses passagers sont nets : tout ce qui les entoure est totalement flou, que ce soient les deux hommes qui la regardent passer (l'un à l'ombre d'un arbre, l'autre au bord de la route), la végétation, ou le brancard de la carriole qui dépasse sur la droite de l'image. L'objectif est radicalement concentré sur la voiture, et par un cadrage adroit, donne une profondeur à la scène, ce qui permet à l'esprit d'imaginer le bolide traverser l'image à vive allure.
    Mais n'oublions pas la carriole, puisque toute l'intensité de la photographie réside dans le fait que l'automobile la dépasse. Là où l'on n'aperçoit de la première qu'une petite partie, abandonnée sur le bord du chemin, l'autre brille sous le soleil, sur une route aménagée, laissant son antique rivale écrasée par la roue implacable du progrès.

    C'est que l'invention de l'automobile révolutionne l'homme dans son rapport au temps et à l'espace (par la vitesse de déplacement) mais aussi à la machine. Alors qu'il est possible de se construire sa carriole (encore aujourd'hui, ici par exemple), l'automobile devient un produit purement industriel., réservée à ses débuts à une élite. On peut voir ici ce triple bouleversement : par l'exemple de la carriole déjà évoqué, mais aussi par la présence des deux hommes figés qui contrastent avec ceux de la voiture. Alors que nos deux passagers sont tournés vers l'avant, les deux autres sont absorbés par le passage de la voiture.  L'immobilité des uns renforce la rapidité des autres et leurs positions respectives mettent en valeur le succès de l'automobile : le temps et l'espace sont véritablement dilatés par la présence du véhicule.

    La puissance de cette photographie est de montrer que la voiture fonce vers l'avenir, lancée à l'assaut du XX° siècle, sans s'arrêter ni faire demi-tour. Plus qu'une simple automobile c'est véritablement le progrès qui est saisi par l'oeil du photographe. Mais ce cliché peut aussi amener à penser les dommages d'un progrès frénétique : dans les hautes herbes, si les deux hommes admirent ce qu'ils ne peuvent avoir, l'un se brûlant les yeux sur les reflets que le soleil fait briller sur la carrosserie de l'automobile, l'autre s'en tenant à l'écart, par crainte ou par refus, mais tournée vers elle malgré tout, la carriole, miroir du passé, est laissée à l'abandon sans remords puisqu'on n'arrête pas le progrès.

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