• Si belle Sibylle
    Je vais ici m'attacher à vous emmener en voyage auprès d'un personnage connu, commenté et décrit à foison, la Sibylle de Delphes telle que l'a représentée Michelange sur
    le plafond de la chapelle sixtine au Vatican. Je ne prétends pas faire mieux que tout ceux qui se sont déjà penchés sur elle, mais seulement vous faire partager les différents sentiments qu'elle m'inspire.

    Il est bien difficile de ne pas éprouver toute la douceur et la grâce qui émanent d'elle : couleurs lumineuses, teint diaphane, réunis dans un mouvement arrondi que dessine le tissu de sa tenue. 

    Et pourtant à mieux la regarder, on se rend compte que Michelange lui a donné une musculature très développée, plus que celle de son David qui paraît bien frêle en comparaison. De plus, il l'a assise sur un siège dur, froid, large et imposant. Le contraste est le plus fort au niveau de son visage, qu'on ne peut s'empecher de trouver féminin et qui l'est pourtant moins que les Ignudi qu'il a peint sur le plafond de la chapelle. Par ce corps massif, l'artiste rappelle que la Sibylle est profondément attachée à la terre.

    En effet, à Delphes où elle était installée et où on la nommait plutôt Pythie, elle interprétait les oracles d'Apollon assise sur un trépied (que Michelange n'a pas représenté ici), au dessus d'une faille d'où s'échappaient les messages du dieu. Bien que fortement liée à la terre, elle est ainsi inévitablement tournée vers les cieux, symbolisés ici par le vent qui fait voler quelques mèches de ses cheveux et gonfle le drapé de son manteau. Ce double attachement est également mis en avant par les deux directions opposées que pointent ses bras : alors que le bras gauche repose sur ses jambes, dans une sorte de relâchement, la main tournée vers le sol, son bras droit est tendu pour tenir le papyrus déroulé qu'elle ne lit pas, comme attirée par une verité plus haute.
    En effet le spectateur ne peut croiser son regard dirigé vers un aileurs, comme si il ne lui était pas nécessaire de lire pour savoir à l'avance ce qu'il arrivera. Michelange prend ici des libertés avec les véritables pratiques delphiques : si la Pythie transmettait la parole d'Apollon, c'étaient les prêtres du dieu qui traduisaient au visiteur des propos qu'on a qualifié par la suite de sibyllins, c'est-à-dire ici trop obscures pour être déchiffrés par des profanes. Il ne faut pas oublier que la fresque est peinte sur le plafond de la chapelle Sixtine au Vatican et que le message délivré est avant tout adressé à des Chrétiens. Michelange a ainsi alterné représentation de Sibylles (ici, , encore là ou par là) et de prophètes (ici, , encore là, par là et aussi là) sur le plafond : ils annoncent le royaume du Christ pour les croyants quand elles font de même pour le monde païen. Le retour à l'antique qui anime la vie culturelle de la Renaissance ne doit pas faire oublier l'ancrage religieux, et Michelange fait ainsi la synthèse des deux.
    Beaucoup ont dit que de cette Sibylle se dégage une aura mystérieuse, qui rappelle celle de la Pythie antique. C'est peut-être parce que toujours elle reste double : à la fois féminine et masculine, terrienne et aérienne, païenne et chrétienne. 

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